Calligraphie du Désert

Isabelle et Hassan Massoudy

Editions Alternatives, 2000

Textes et poèmes sur le désert, de l'antiquité à nos jours
128 pages - 65 calligraphies couleur - format 31x20 cm

 

On rêve toujours d'un pays préféré… Moi je me sentais attiré vers l'Afrique par un impérieux besoin, par la nostalgie du Désert ignoré, comme par le pressentiment d'une passion qui va naître.

Guy de Maupassant

En 1973 en Algérie, nous traversions le plateau caillouteux du Sud Oranais, dans un bus cahotant sur une route rectiligne à perte de vue ; j'ai vu la première tente bédouine, le premier chameau. Hassan et moi allions à Aïn Sefra. Quelques maisons étaient à demi ensevelies sous les sables roux. J'ai bien sûr trouvé le désert beau, mais je n'ai pas ressenti d'attirance particulière. Il faut dire que nous étions au mois de juillet, et mon corps qui n'avait jamais quitté les régions tempérées avait d'autres préoccupations que d'apprécier à sa pleine mesure le paysage.

Douze ans plus tard, nous avons traversé la Tunisie, jusqu'à Douz. Les dunes y étaient d'un sable pâle, d'une blanche luminosité. L'attrait puissant et le rêve ont commencé. Au retour, j'ai lu toutes les publications que j'ai trouvées sur le désert. En Egypte, par deux fois, nous avons revu le désert, mais il restait toujours inaccessible. Bien sûr l'attirance en fut plus grande et une envie irrésistible me prit de partir, droit devant moi. Hassan, de son côté, commençait à relever, au fil de ses lectures, quelques phrases sur le désert, le silence ou l'espace. Puis il se mit à calligraphier en des tons de sable en rêvant au désert de son enfance irakienne à Najef, un désert mental enfoui en son cœur.

Puis un jour, le désert est venu à nous, s'est offert à nous, en Mauritanie, au-delà de Chinguetti. Ce désert tant rêvé était là, mais tout autre. Un désert vrai, écrasant et exaltant à la fois, majestueux, avec un sable fluide, impalpable, un désert de dunes sensuelles couleur de peau. Ma vie fut comme suspendue, le regard rivé sur le vide. Là, comme beaucoup, je fus prise au piège, envoûtée. La séparation fut pénible, aucun lieu ne m'avait impressionnée à ce point. Dès mon retour, je ne pensais qu'à une chose, y retourner.

Nul homme, après avoir connu cette vie, ne peut demeurer le même. Il portera à tout jamais, gravée en lui, l'empreinte du désert, dont le nomade est marqué comme au fer rouge, et au plus profond de ses désirs celui d'y retourner, lancinant ou vague selon son tempérament. Car cette terre cruelle est capable d'envoûter quiconque ose s'y aventurer, bien plus profondément qu'aucune autre région clémente de notre planète. Wilfred Thesiger (Le Désert des Déserts, éd. Plon)

Ma vision du désert est, bien sûr, celle, idéalisée, d'une touriste en bref passage. Je suis consciente que c'est une terre rude et meurtrière parfois. Pour retrouver un peu de ce désert à Paris, je me suis enfermée en des lectures de sable et de silence. Depuis l'Antiquité, le désert a impressionné ou fasciné l'homme. Certains de ceux qui avaient vécu au désert, ou l'avaient simplement entrevu, ou rêvé, exprimaient dans leurs textes les émotions que j'avais ressenties mais que je ne savais exprimer par écrit. J'ai donc décidé de recopier sur un petit carnet, des passages de ces textes en me limitant aux déserts des pays arabes. Si ce recueil fait une plus grande part aux textes de voyageurs européens, c'est tout simplement que le désert était pour eux plus fascinant que pour les auteurs arabes, qui chantaient eux, plus volontiers l'oasis, ses sources et ses jardins. Au fil de l'année, le carnet s'est rempli, puis un deuxième.

Hassan aussi avait ressenti le même attrait, mais lui, s'exprimait d'une autre manière. Sa calligraphie se teintait d'ocre, de jaune, de rose du sable au soleil couchant. Ses lignes se lovaient au creux des dunes. Un an plus tard, la vie nous mena vers d'autres dunes, au Maroc. J'emportai avec moi mes petits carnets. L'envie me prit de les relire dans la solitude du désert, dans le lieu même où ils avaient été conçus, comme pour rendre hommage à tous ceux qui l'ont parcouru, y ont souffert ou parfois y sont morts, mais qui n'y sont pas restés insensibles. Chaque soir, à l'heure où le désert se teinte de rose, assise en haut d'une dune, je lis à haute voix leurs textes. Ecoutons-les…

Isabelle Massoudy (introduction à calligraphie du désert)

 

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